CHAPITRE 17
< Inspirez tous autant d’air que vous le pouvez, répétai-je. Nous descendons très profond. >
Nous avons piqué la tête la première et nagé presque à la verticale vers le fond. Bas, très bas, abandonnant la barrière scintillante. Loin du soleil. Loin de la lumière. Loin de l’air dont nous avions autant besoin que les humains.
J’écholocalisai un banc de poissons juste en dessous de nous. Mais nous n’étions pas là pour pique-niquer. Traversant le banc, nous avons continué notre plongée. Toujours plus bas, jusqu’au moment où nous avons aperçu le fond de l’océan.
Alors nous nous sommes remis à nager à l’horizontale en rasant le sol sous-marin, comme des avions volant en rase-mottes. Par-dessus des champs d’algues ondoyants. À travers des bancs de poissons qui filaient comme des flèches.
Par-dessus des protubérances rocheuses couvertes de bernaches, et dont les anfractuosités abritaient des milliers de crabes, de homards, d’oursins, de vers et d’escargots de mer.
Devant nous s’étendait une sorte de crête, comme une longue colline basse. Nous l’avons franchie à la nage.
< Je pense que je vais bientôt avoir besoin de prendre une bonne inspiration, dit Rachel. C’est encore loin ? >
Nous l’avons vu tous en même temps.
Nous l’avons vu, oui, mais nous avons eu du mal à en croire nos yeux.
Je commence à avoir l’habitude de voir des choses extraordinaires : des extraterrestres, des vaisseaux spatiaux, mes propres amis qui se transforment en animaux. Mais cela avait vraiment de quoi laisser perplexe.
C’était rond. Rond comme une assiette. Une très grande assiette. Le diamètre devait mesurer huit cents mètres.
C’était recouvert d’un dôme transparent. Du verre, ou je ne sais quel matériau équivalent utilisé par les Andalites.
Et à l’intérieur du dôme, à l’abri de la force destructrice de l’eau, s’étendait quelque chose qui ressemblait beaucoup à un grand jardin.
Un jardin, dans un dôme de verre, au fond de l’océan.
Il y avait de l’herbe, plus bleue que verte. Il y avait des arbres qui faisaient penser à des tiges géantes de brocolis. Et d’autres à des asperges orange et bleues. Au milieu se trouvait un petit lac d’eau bleue, parfaitement limpide où poussaient de fantastiques cristaux verts et transparents, en forme de flocons de neige.
< Waouh ! > fit Jake.
< Ben dis donc >, commenta Marco.
< C’est ça que tu t’attendais à trouver, Cassie ? > me demanda Rachel.
< Je… j’ai fait des rêves… j’ai vu des éclairs de quelque chose… mais ça ! C’est incroyable. >
< Je crois qu’il y a une écoutille dans le bas, fit Marco. Vous voyez cette partie qui dépasse ? >
< Essayons, répondit Jake. Je ne pourrai plus retenir ma respiration très longtemps. >
Nous sommes descendus vers une partie du dôme de verre qui semblait différente du reste. En nous rapprochant, nous nous rendions mieux compte de la taille de ce dôme. On aurait dit un de ces stades de football géants. Mais encore plus grand, si vous arrivez à l’imaginer.
< C’est une écoutille, signala Rachel, qui était partie devant nous. C’est une espèce de porte en verre. De l’autre côté, il y a une petite pièce, puis une autre porte qui donne sur l’intérieur du dôme. Il y a un petit panneau rouge à côté de la porte extérieure. >
< Soit on essaie la porte, soit on remonte >, annonça Marco d’un ton pressant.
< Ce panneau rouge doit être le système d’ouverture de la porte, dit Jake. Allons-y. Espérons que ça marche. >
Il appuya le bec contre le panneau rouge.
La porte extérieure s’ouvrit instantanément.
< On devrait essayer un par un, pour voir si c’est dangereux ou non >, proposa Marco.
< On n’a pas le temps >, lui répondis-je.
J’avais les poumons en feu : il me fallait de l’air.
Tous les quatre, nous avons franchi la porte extérieure. Il y avait un second panneau rouge. Je l’enfonçai d’un coup de bec, et la porte se referma ; nous étions maintenant prisonniers dans une petite pièce de verre. Nous pouvions voir l’océan tout autour et au-dessus de nous, seul le côté donnant sur le dôme était opaque.
< Je savais bien qu’on se retrouverait dans un aquarium tôt ou tard >, plaisanta Marco.
Le niveau de l’eau commença à baisser, lentement. Cela libéra un espace en haut du sas. Je dressai l’évent et aspirait l’air béni.
< Bon, démorphosons >, ordonna Jake.
J’avais déjà commencé. Le temps que le sas se soit à moitié vidé, je tenais sur mes pieds humains.
— Nous y sommes arrivés, s’exclama Marco, une fois sa bouche humaine reformée. Je ne sais pas où, mais nous y sommes arrivés.
Le sas était vide, à présent. Nous étions tous les quatre pieds nus, vêtus de nos simples tenues d’animorphe toutes trempées. Il y avait un dernier panneau rouge à côté de la porte qui donnait accès au dôme.
— Prêts ? demanda Jake.
— Aussi prêt que possible, répondit Marco. Jake appuya sur le panneau avec sa main.
La porte s’ouvrit en coulissant. Je sentis une vague d’air doux et incroyablement parfumé.
J’aperçus un fragment de…
Puis un éclair de lumière brillante…
Et tout d’un coup, je perdis connaissance.